vendredi 6 juillet 2018

Une réflexion sur la vie

La fable du jardin qui produisait trop

Chère lectrice, cher lecteur,

Il y a trois printemps j’ai démarré un nouveau jardin, plus grand.

Ayant décidé de faire les choses bien cette fois, j’ai prévu des endroits pour tous les légumes et fruits communs qui poussent sous nos latitudes.

Tous ?

Pas tout à fait. Maintenant que vous me posez la question, je n’ai pas encore d’asperges, par exemple. Il faut planter des « griffes » et cela met quelques années à produire. Mais ça va venir !

Pour l’instant poussent tous les légumes courants des potagers familiaux : patates, carottes, salades, tomates, haricots, poireaux, etc., et aussi des melons et des pastèques, des aubergines, des artichauts, des fèves, des abricots, des coings, tous les styles de fruits rouges, myrtilles, etc., etc.

J’ai même des « mûroises », un nouveau fruit délicieux issu du croisement d’une mûre et d’une framboise.

Du céleri, du fenouil, des fèves excellentes, toutes sortes de plantes aromatiques et médicinales évidemment, notamment du raifort, de la consoude, de la bardane et de l’anis… Plus des milliers d’abeilles qui butinent mes lavandes, mes iris, mon trèfle…

(Vous pouvez voir dans l’image en haut de la lettre mon nouveau potager, au 15 juin, avec mon jeune apprenti au premier plan. Par respect pour lui, j’ai protégé son image, mais il est très gentil et très mignon !)

Je devrais être le plus heureux des hommes et, d’une certaine façon, je le suis.

Mais vous connaissez mon « problème » ??

Hé bien mon problème est que je suis triste d’en avoir… trop !

« C’est lamentable, Jean-Marc, si tu en as trop, tu n’as qu’à partager avec les plus démunis !! »

Je sais combien ce que j’écris peut choquer. Tant de personnes ne mangent pas à leur faim.

Tant n’ont plus assez d’argent pour acheter autre chose que de la malbouffe en supermarché. Si peu ont de quoi payer de bons fruits et légumes bio comme les miens.

Plusieurs personnes m’ont déjà dit : « Tu n’as qu’à les distribuer autour de toi !! »

J’aimerais bien. Mais je n’y arrive pas.

En effet, mon potager réclame beaucoup de travail, comme vous pouvez imaginer. Il faut semer, planter, biner, sarcler, irriguer, désherber, protéger, récolter, stocker…

Cela représente des heures par jour. Et je suis très occupé par mon travail.

Je n’ai tout simplement pas le temps, en plus, de préparer des caisses remplies de légumes, les charger en voiture, et faire des kilomètres pour les apporter à ceux qui en auraient besoin.

Je ne sais d’ailleurs même pas qui en aurait besoin.

Quand vous posez la question, les gens vous répondent tout de suite que ça les intéresse. Mais encore faut-il qu’ils soient chez eux quand vous arrivez. Qu’ils n’aient pas justement fait des courses la veille, si bien que leur frigo soit déjà rempli. Qu’ils ne soient pas à la veille d’un départ en week-end ou en vacances. Qu’ils aiment faire la cuisine, et qu’ils n’aient pas prévu de manger à l’extérieur justement dans les jours qui suivent…

Impossible de mettre mes légumes dans la rue

J’ai essayé de faire des caisses avec ma surproduction et de les mettre dans la rue avec un panneau « Servez-vous ! ». Mais ça ne marche pas bien non plus.

Mes légumes, bio, sont succulents. Mais ils ont souvent de la terre, des petits trous, une chenille ou une limace qui se promène… Cela suffit à faire fuir la plupart des gens, qui sont habitués aux légumes aseptisés et calibrés, vendus en grande surface sous une lampe à ultraviolet qui fait ressortir les couleurs brillantes. De plus, les gens de passage n’ont pas de sac pour emporter les légumes et je ne peux les fournir en plus moi-même.

Le seul moment où j’arrive vraiment à donner mes légumes, c’est quand j’ai de la visite. Je propose à mes invités de leur mettre des légumes dans le coffre. Alors, en général, ils acceptent (mais pas toujours, car c’est gênant d’accepter de la nourriture).

La pire période de l’année commence pour moi

Nous sommes le 6 juillet et c’est la pire période de l’année qui commence pour moi.

Les examens sont finis et mes enfants se préparent à partir à droite et à gauche. Je vais me retrouver seul dès dimanche. Les visites d’amis vont se raréfier. Or, c’est justement en ce moment que mon potager commence à produire vraiment.

Je serai seul pour la récolte des oignons, l’ail, les échalotes, les pommes de terre, les courgettes qui heureusement se conservent relativement bien.

Mais quel dommage pour les haricots verts, les salades, les framboises, les tomates, le basilic, le persil, et tant d’autres délicatesses qui sont surtout bonnes lorsqu’elles sont mûres.

Je vais faire des conserves, congeler, mais d’avance je sais que je me sentirai un peu amer au milieu d’un si beau « royaume » sans en faire profiter les autres, avec une impression de gaspillage et d’inutilité…

La richesse se partage

Je vous avais promis une « fable ». Hé bien c’était cela. La morale de l’histoire, c’est qu’il est bon de partager.

Cela ne doit pas aller toujours dans le même sens. L’idéal pour moi serait de pouvoir donner, mais aussi de savoir que, si une année je tombais malade et ne pouvais pas cultiver, un voisin me permettrait lui aussi de bénéficier de son surplus.

Donc il me semble que le problème des inégalités, aujourd’hui, c’est surtout que les gens ne se connaissent plus et ne peuvent plus s’entraider de façon efficace.

La solution pour éviter le problème des « riches qui en ont trop » et des « pauvres qui n’en ont pas assez », serait de recréer des petites communautés soudées, solidaires. Il faudrait qu’elles soient assez larges pour qu’on puisse se compléter. Mais aussi assez restreintes pour qu’on puisse se connaître et avoir la certitude que les autres participent et font des efforts eux aussi.

Je t’apporte un kilo de haricots verts, tu me donnes un pot de miel… Je t’aide à récolter tes cerises, tu m’aides à faire mes gelées de cassis…

Cette entraide ne doit pas être permanente ou contraignante, sinon c’est étouffant. Mais qu’on puisse le faire le week-end ou au moment des vacances, ce serait quand même formidable…

Enfin, je vous laisse. Je retourne dans mon jardin. Et j’essaye de trouver un voisin qui me comprenne !

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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